JuCIRprudence | Rejet du pourvoi en cassation du redressement d’un CIR lié à des activité faites au sein d’un cabinet d’avocats par une doctorante CIFRE

Dans un arrêt de fin 2022, le Conseil d’Etat (Conseil d’Etat du 14 octobre 2022, n°443869) a rejeté le pourvoi en cassation de la société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) P. Fribourg-M. Fribourg, qui remettait en question le redressement fiscal au titre des CIR 2014 et 2015.

Rejet du pourvoi en cassation du redressement d’un CIR lié à des activité faites au sein d’un cabinet d’avocats par une doctorante CIFRE

Les faits

Cette décision a été confirmé le 12/07/2018 par le Tribunal Administratif et le 09/07/2020 par la CAA de Bordeaux, considérant que les recherches juridiques effectuées au sein d’une société d’avocats par une salariée doctorante, dans le cadre d’une thèse de doctorat en droit faisant l’objet d’un financement de l’Association Nationale pour la Recherche Technologique (ANRT) dans le cadre d’une Convention Industrielle de Formation par la Recherche (CIFRE), visant à identifier les dispositions juridiques applicables et à analyser une pratique juridique existante dans un domaine, ne relèvent pas de la R&D et ne sont pas éligibles au CIR.

C’est, aux dires du rapporteur public, une décision inédite, 2 points étant en question :

  • La qualité de chercheur de la doctorante en raison de sa discipline, le droit, les différentes cours ayant eu une analyse très obtuse des dépenses de personnels éligibles, en se référant aux a et b du II de l’article 2444 quater B du Code Général des Impôts (CGI) relatif au CIR qui traite de « réalisation d’opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d’opérations de conception de prototypes ou d’installations pilotes » renvoyant aux sciences dites « dures » par rapport aux Sciences Humaines et Sociales (SHS), dites « molles », comme le droit
  • La qualification de ses travaux en opérations de recherche appliquée qui, tels que présentés « identifier les dispositions juridiques applicables et à analyser une pratique juridique existante dans un domaine », ne valorisent pas bien le dépassement de l’état de l’art et la levée d’incertitudes scientifiques et techniques

 

La vision de notre expert

Si le Conseil d’État a heureusement finalement tranché favorablement quant au fait que les SHS ne sont pas exclues du champ du CIR, il n’a pas du tout pris en compte les indicateurs R&D tout de même bien présents ici, à savoir :

  • Le fait qu’il s’agisse d’une thèse de doctorat, soit un projet en partenariat avec un laboratoire de recherche académique, et avec un sujet de recherche validé par l’école doctorale de rattachement du laboratoire comme suffisamment qualitatif pour y baser un projet de recherche de 3 ans par lequel un diplômé de master va atteindre le diplôme de docteur, le plus élevé qui soit
  • Et que cette thèse fasse même l’objet d’un financement CIFRE par l’ANRT, assez sélectif, ce qui renforce encore la qualité du sujet

 

Et cette décision est tout de même notable car, si elle ne concerne que le cas en question et que les décisions et articles disponibles ne donnent pas l’ensemble des détails pouvant l’expliquer, il faut garder en tête que le Conseil d’Etat est tout de même la plus haute juridiction administrative et que ses positions sont parfois suivies de mises à jour du cadre réglementaires (ex. BOFIP) les appliquant. Cela atteste une nouvelle fois de l’analyse « au pied de la lettre » de l’administration, en particulier sur la recherche en SHS, qu’on rencontre plus souvent qu’on ne le croit :

  • Ne prenant pas en compte que le travail initial de la doctorante « d’identification des dispositions juridiques applicables et d’analyse de la pratique juridique existante dans un domaine » qui ne peut, dans le cadre d’une thèse CIFRE, qu’être suivi de travaux de recherche de solutions originales. Les textes du CIR indiquent pourtant clairement que « toute tâche technique nécessaire à la conduite d’un projet de R&D relève aussi de la R&D. »
  • Ayant une position assez floue sur le caractère R&D éligible du travail de constitution et analyse de l’état de l’art, phase initiale courante dans le cadre d’un projet de thèse et nécessaire pour attester du caractère innovant d’un projet de recherche, mais perçu de manière sceptique quant à son éligibilité propre car purement « documentaire », donc sans incertitude et (pas encore) innovant
  • Etant sceptique sur le dépassement de l’état de l’art ou la levée d’incertitude dans le cadre d’un projet R&D SHS, par exemple dans le cadre de la construction et la conduite d’une enquête psychosociale, la définition d’indicateurs ou la collecte des données associées, écartant, volontairement ou pas, le fait que le caractère innovant et incertain relève de la définition des hypothèses de départ, de la rédaction des questions, de la définition du panel, de l’analyse des réponses à l’enquête ou de la pertinence des indicateurs imaginés, porteurs de biais et incertitudes psychosociaux ou mathématiques et statistiques qui vont déterminer que les conclusions de l’étude aboutissent à des solutions innovantes et pertinentes par rapport aux problématiques de départ et à des progrès des connaissances

 

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