JUCIRPRUDENCE | L’octroiement d’une subvention publique, dans le cadre d’une opération R&D, doit être déduite de l’assiette des dépenses

Dans le cadre d’un arrêt, la Cour Administrative d’Appel de Lyon (CAA de Lyon, 21 septembre 2023, SARL Mentor Graphics Development Crolles (MGDC), 21LY03203) a jugé qu’une subvention publique octroyée dans le cadre d’une opération de R&D déclarée dans le cadre d’un CIR doit totalement être déduite de l’assiette des dépenses du CIR, même si toutes les dépenses qu’elle finance ne sont pas éligibles au CIR.

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Les faits

Dans les faits, MGDC, filiale du groupe MENTOR, a été spécifiquement créée pour la conduite d’un projet de R&D dans le cadre d’une convention de soutien de l’État via le Fonds de Compétitivité des Entreprises finançant 40% de ce projet, à savoir des dépenses éligibles au CIR, mais également des dépenses connexes non éligibles (frais de gestion, d’assistance non-technique, de sous-traitance de fabrication de masques et de marketing).

En lien avec ce projet, l’entreprise a donc déclaré du CIR au titre de 2011 et 2012 en ne déduisant qu’une quote-part des subventions encaissées à hauteur du ratio entre les dépenses R&D éligibles et le budget total des dépenses validées par le financeur public. Dans le cadre d’une vérification de comptabilité, l’entreprise a été redressé des portions de CIR relatives à la non-déduction totale de la subvention, décision confirmée par le Tribunal Administratif de Grenoble le 02/08/2021.

L’argumentation de l’administration fiscale

Et, la CAA confirme ce redressement aux motifs que :

  • Les termes de la convention de soutien de l’État conclue avec le Fonds de compétitivité des entreprises confirme que la subvention a été versée dans le cadre d’un programme de R&D
  • La seule activité de la SARL MGDC a été de réaliser des services de R&D dans le cadre du projet subventionné

 

La vision de notre expert

Si on analyse les raisons de cette décision, elle se base :

Sur le Code Général des Impôts (Cf. III de l’article 244 quater B relatif aux sommes à déduire des dépenses avant calcul du CIR) qui lie la déductibilité des aides publiques au seul fait qu’elles soient liées à une opération éligible.

Alors que le Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFIP) (BOI-BIC-RICI-10-10-30-20 §10) indique par exemple que « seules les subventions publiques, remboursables ou non, afférentes à des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt doivent être déduites. Aussi, dans l’hypothèse où une entreprise recevrait une subvention afférente à un projet comportant des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt et des opérations n’y ouvrant pas droit, seule la fraction de cette subvention afférente aux opérations ouvrant droit à crédit d’impôt devrait être déduite. Cette fraction est déterminée au prorata du montant des opérations ouvrant droit au CIR.»

Mais, des décisions de jurisprudence ont été prises dans les 2 sens :

  • Le Conseil d’Etat (Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 12/07/2023, n°463363 – Institut Technologique Forêt Cellulose Bois – construction Ameublement FCBA) a ainsi donné raison au FCBA quant à la non déductibilité des dépenses éligibles au CIR des fonds reçus du Comité Professionnel de Développement des Industries Françaises de l’Ameublement et du Bois (CODIFAB) et de l’interprofession nationale France Bois Forêt (FBF), même si la décision porte surtout sur le fait que le CODIFAB et le FBF sont de statut privé et que les fonds qu’ils redistribuent sont d’origine privé puisque venant des entreprises du secteur
  • Mais, la Cour Administrative d’Appel de Nancy (CAA de NANCY, 2ème chambre – formation à 3, 23/07/2019, n°18NC01823 – Sky Aircraft) a entre autres points, jugé que Sky Aircraft, alors en liquidation judiciaire, n’était pas fondée, par l’intermédiaire de son liquidateur judiciaire, à réclamer la portion de CIR relative à sa dernière année d’activité R&D au motif que les dépenses R&D étaient « annulées » par la 3ème et dernière tranche d’une subvention octroyée par OSEO de 1,5 M€, pourtant non versée. En effet, dans le cadre d’une convention avec le Fonds de Compétitivité des Entreprises, OSEO avait octroyée une subvention de 7,4 M€ à l’entreprise et, même si cette dernière n’en avait touché que les 2 premières tranches de 3 et 2,9 M€, la cour a considéré que l’entreprise aurait dû déduire les 7,4 M€

 

Pour revenir au cas de MGDC, l’entreprise ayant été liquidée puisque créée uniquement pour ce projet de R&D, il est à douter que le groupe MENTOR saisira la Conseil d’Etat. Mais, ce sujet, même s’il ne doit pas remettre en question , à notre sens, le principe de proratisation des déductions d’aides en lien avec des activités et dépenses éligibles, plusieurs fois validées dans le cadre de contrôle fiscal, est à surveiller.

 

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