Jucirprudence | Rejet total de dotations aux amortissements de brevets acquis pour valorisation à 100% et absence de justification du prorata d’utilisation en R&D

Dans un arrêt, la Cour Administrative d’Appel de Versailles (CAA de Versailles, 1ère chambre, 11/04/2023, 21VE01948 – société Thifan Industrie) a totalement rejeté la valorisation de dotations aux amortissements de brevets acquis dans le cadre de CIR 2012 , 2013 et 2014 au motif de l’absence d’établissement précis du prorata d’utilisation de ces brevets au titre de la R&D.

Jucirprudence Rejet total de dotations aux amortissements de brevets acquis pour valorisation à 100% et absence de justification du prorata d’utilisation en R&D

Les faits et la vision de notre expert

Cet arrêt est intéressant car il traite d’un sujet qui l’est rarement et évoque plusieurs propositions de proratisation, malheureusement toutes refusées par l’administration. On peut cependant s’étonner du rejet total de ce poste de dépenses, décidé dans le cadre d’un contrôle général de comptabilité et confirmé par le Tribunal Administratif d’Orléans, alors que :

  1. Le caractère R&D des activités présentées a été intégralement validé après expertise scientifique
  2. Les brevets sont des indicateurs R&D forts et que rien ne remet en question l’apport des brevets en question dans les activités R&D de l’entreprise
  3. Si les dépenses de personnels, de « biens techniques » et de sous-traitance doivent être directement liées à des opérations nettement individualisées, ce n’est pas le cas pour les dépenses de propriété industrielle (des dépenses de dépôt de brevet pouvant être engagées de manière « défensive » avant même le début d’une opération de R&D et des dépenses de maintenance de brevets pouvant être engagées pendant 20 ans pour conserver le « monopole » attribué par un brevet), même si les textes précisent tout de même, pour les dépenses d’achat de brevets, qu’ils doivent être acquis « en vue de R&D » et pas seulement d’exploitation commerciale

Le Comité Consultatif du CIR a, lui, admis, sans plus de précision, que « ces brevets ont été utiles à la fois à la commercialisation de produits et aux opérations de recherche et de développement ».

 

L’argumentation de l’administration fiscale

Les 10 brevets en question ont été cédés en 2009 par l’associé fondateur de la société Thifan Industrie (spécialisée dans la fabrication de munitions pour la chasse) dans le cadre d’une opération juridique où il a aussi cédé toutes ses actions Thifan à la société I’Tech. À ce sujet, l’administration et les cours critiquent :

Que l’entreprise ait valorisé les dotations aux amortissements des 10 brevets, alors que certains sont manifestement dédiés aux activités de production, qu’un brevet a expiré en 2009 et un autre en 2013, ce que la société requérante reconnaît elle-même.

Que l’entreprise ait valorisé 98% des dotations aux amortissements des achats des 10 brevets alors que le dirigeant reconnaissait que « le rachat des brevets était indispensable pour maintenir la production de la société » et que ces brevets, qui se rapportent à des techniques employées pour la fabrication des munitions produites par la société Thifan Industrie, étaient déjà exploités à des fins de production avant la date de leur rachat en 2009, par voie de concession de licence accordée à l’entreprise par l’associé fondateur.

Que l’entreprise n’ait pas la capacité d’attester du « temps d’utilisation » des brevets en question à fins de production ou de R&D, très difficile à faire, aucune des autres méthodes proposées par l’entreprise n’ayant été jugée pertinente par l’administration, que ce soit :

  • La part de CA ou de volume de munitions vendues concernées par les brevets L’administration a considéré que ce n’est pas parce qu’un brevet est « utilisé » pour un projet qu’il l’est à des fins de R&D et pas seulement de production
  • Les mêmes proratas annuels que ceux déterminant les temps respectifs consacrés par les personnels pour leurs travaux de R&D par rapport à leurs activités de production. L’administration a considéré qu’il n’existe aucune corrélation entre la proportion de temps consacré par le personnel aux activités de R&D et la proportion de temps effectif d’utilisation des brevets pour la R&D. Aussi, il n’était pas établi que tous les projets considérés comme éligibles auraient nécessité l’exploitation desdits brevets, dès lors que le rapport d’expertise indiquait que, hormis pour un projet entrepris en 2014, l’état de l’art ne mentionnait aucunement lesdits brevets
  • Sachant qu’il semble que l’administration fiscale avait accepté, dans un premier temps, un ratio de 69,18% (sans que nous ayons réussi à accéder à la décision du TA d’Orléans pour en connaitre les bases), mais que la cour refuse maintenant d’appliquer à l’entreprise, qui le proposait comme solution subsidiaire, argumentant qu’il ne s’agissait que d’un maximum et que son calcul n’en était pas pour autant fondé

 

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