Les faits
Le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi en cassation de l’administration fiscale (CE 9e ch. 14/04/2022, n°455944, Microelectronics Grand Ouest) qui considérait :
1 – Que le prix consenti par la filiale française à sa mère suédoise pour la cession du produit de ses recherches était inférieur au prix de pleine concurrence, du fait :
- De la déduction des subventions publiques qu’elle avait reçue du Fonds de Compétitivité des Entreprises (FCE et ex-Fonds Unique Interministériel – FUI) dans le cadre de sa participation à des projets R&D collaboratifs labellisés dans le cadre des pôles de compétitivité ainsi que du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) attribués
- De l’application d’un taux de marge insuffisant
2 – Que cette minoration constituait un transfert indirect de bénéfices à l’étranger, que l’administration a donc réintégré dans les bénéfices imposables en application des dispositions de l’article 57 du CGI, remettant donc en cause les déficits reportables (d’IS) comptabilisés par la société à la fin des exercices clos en 2009 et 2010 et décidant donc d’un supplément de Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) en lien avec ces « bénéfices » rétablis.
Que dit la jurisprudence
La société ST-Ericsson France, devenue Microelectronics Grand Ouest, a réalisé au cours des années 2009 et 2010 des travaux de R&D pour le compte de sa société mère, ST-Ericsson, société de droit suisse détenant 100% du capital de Microelectronics Grand Ouest, qu’elle lui a facturés au coût de revient, augmenté d’une marge de 7 % pour le mois de janvier 2009 et de 4 % pour les mois suivants, en vertu d’un contrat cadre précisant les conditions de réalisation de ces activités de R&D pour le compte de la société mère titulaire des droits de propriété intellectuelle résultant de ces opérations. A l’issue d’une vérification de sa comptabilité, au vu du contentieux entre l’entreprise et l’administration, le Tribunal Administratif et la Cour Administrative d’Appel, et donc le Conseil d’Etat ont tranché en faveur de l’entreprise.
Les 3 tribunaux ont donc jugé, en faveur de l’entreprise, que :
- La mise en œuvre des dispositions de l’article 57 du CGI n’était pas justifiée, faute pour l’administration d’avoir démontré l’existence d’un avantage consenti par nature à sa mère suédoise par le transfert des résultats de ces travaux de R&D
- Le panel des cinq (cas) comparables utilisés par l’administration pour caractériser la minoration du taux de marge ne respectait ni le critère d’indépendance ni celui de la similarité exigée par l’abondante jurisprudence antérieure du CE relative aux contentieux relatifs à la minoration des taux de marges
- L’absence de refacturation des coûts de R&D couverts par le CIR, rien n’étant prévu en ce sens dans le contrat cadre signé, ne constituait là encore pas un avantage par nature ni un élément caractérisant une présomption de transfert de bénéfices, des arrêts de jurisprudence antérieurs du CE ayant d’ailleurs conclus dans le même sens pour l’absence de refacturations de subventions reçues, ces décisions étant, sur le fond, transférables au CIR
La vision de notre expert
Étonnement, l’administration fiscale n’a pas mis en avant que l’entreprise française ait déclaré du CIR au titre d’activités R&D réalisées pour le compte de sa société mère qui détenait 100% des droits de propriété intellectuelle relevant de ces travaux, sans donc argumenter qu’il ne s’agissait pas de R&D de l’entreprise française déclarant du CIR. En effet, le CIR vise à inciter les entreprises à investir en R&D, en en partageant le risque, pour gagner en compétitivité en « montant sur la chaine de valeur » et créer de l’emploi et de la richesse. Et, même si rien, dans les textes, ne l’exclut expressément (les sous-traitants non agréés CIR pouvant déclarer du CIR au titre des dépenses éligibles qu’ils ont mobilisé pour des activités de R&D pour lesquelles ils sont rémunérés), dans le cas présent, une entreprise étrangère a ainsi indirectement touché le bénéfice du CIR sur des travaux R&D qu’elle a commandités et dont elle est propriétaire.
Les analyses juridiques sur cet arrêt ne précisent pas que la logique déduction des subventions des dépenses R&D avant calcul du CIR l’ont donc logiquement lui aussi minoré, minorant donc en conséquence la baisse des dépenses R&D refacturées et donc de la base imposable, qui aurait donc encore été plus petite.
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